Les émotions, c’est tendance ! Dans la sphère de la communication, tout le monde n’a que ce mot à la bouche… L’objet de cet article n’est pas de vous convaincre qu’il faut colorer d’émotions votre communication, mais de comprendre pourquoi c’est capital.
Un outil d’aide à la prise de décision
Une offre produit ou service pertinente doit être basée sur des arguments logiques. Les données d’ordre rationnel sont suffisantes pour convaincre et obtenir des clients.
FAUX.
Une offre strictement cartésienne composée exclusivement d’éléments logiques ne tient purement et simplement pas la route. Il manque une dimension essentielle : la dimension émotionnelle.
Vous allez me dire que j’enfonce une porte ouverte… Mais l’objet de cet article n’est pas de vous convaincre qu’il faut colorer d’émotions la communication de votre entreprise, mais de comprendre pourquoi c’est capital.
Une partie de la réponse réside dans le fait que nos émotions constituent un outil d’aide à la prise de décision. Le neurologue Antonio Damàsio l’explique dans une étude : « les patients qui vivent coupés de leurs émotions prennent systématiquement les mauvaises décisions », en venant même à prendre des décisions qui leur sont nuisibles.
Mais vous allez voir que ça va beaucoup plus loin.
Les émotions, puissant levier de la communication : c’est nouveau ?
Avons-nous attendu le XXIe siècle pour mettre de l’émotion dans la communication commerciale – ou politique d’ailleurs ? Loin de là : les publicitaires jouent depuis longtemps avec la palette émotionnelle.
Et Aristote a compris le rôle des émotions bien avant eux.
Il y a plus de 2000 ans : le triangle de la rhétorique ou « l’art de convaincre »
Un peu d’étymologie ?
“Convaincre”. Cum + vincere : “vaincre avec” en latin. Cela évoque le ralliement, le fait de fédérer. C’est bien ce que nous cherchons à faire lorsque nous communiquons n’est ce pas ?
Quant au mot rhétorique issu du grec (rhêtorikê tekhnê), il signifie littéralement « art oratoire ». Vous en conviendrez : à l’époque de la Grèce antique, attirer et convaincre de nouveaux clients – ou électeurs – se faisait quasi exclusivement par la parole.
Dans son ouvrage “Le triangle de la rhétorique”, Aristote développe un art de convaincre reposant sur 3 piliers :
- Logos : s’adresser à la raison avec des éléments rationnels. Informer, démontrer, argumenter.
- Ethos : inspirer confiance et accroître sa crédibilité. Montrer son expertise et en quoi nous faisons autorité en la matière.
- Pathos : toucher l’affect pour capter l’attention.
Dès lors que l’un de ces trois registres n’est pas pris en compte, l’argumentation, le discours est bancal. Et donc moins impactant. Autrement dit, si vous résumez vos supports de communication – site Internet, catalogues, plaquettes, etc. – à une argumentation froide (logos et ethos), vous passez à côté de la cible.
Et nous allons voir pourquoi.
Les publicitaires l’ont compris depuis longtemps
2 300 ans après Aristote, force est de constater que rien n’a changé. Les procédés et supports sont nouveaux, mais les principes restent les mêmes. Ceci dit, il est évident qu’aller vendre un produit en toge – et sans micro – sur la place publique ferait grand bruit. Mais c’est un autre débat…
Prenons un exemple. Il n’est pas tout jeune, mais celui-ci m’a marquée. Sauf si vous n’étiez pas né, vous vous souvenez probablement de ce spot publicitaire Herta commis par l’agence publicitaire Jean & Montmarin en 1985. Un garçonnet en culottes courtes construit un petit moulin au bord d’un ruisseau, pendant que sa maman lui prépare des mouillettes de pain garnies de lamelles de jambon. Une musique toute en demi-tons. Et un slogan : “Ne passons pas à côté des choses simples”. Soit dit en passant, du jambon industriel bourré d’additifs n’est pas précisément ce que je qualifie de “simple”… Passons.
J’aimais bien ce spot. Il me faisait rêver : j’avais trop envie d’aller jouer au bord du ruisseau avec le petit garçon. Pas vous ?
Vous voyez où je veux en venir… Ce spot ne vend pas de jambon, il suscite une émotion : la nostalgie.
Mais revenons en 2022 : aujourd’hui plus que jamais, les émotions sont mises à toutes les sauces. Dans l’univers de la communication, tout le monde n’a que ce mot à la bouche… C’est comme si nous redécouvrions collectivement que nous sommes des êtres incarnés.
Un corps pour se mouvoir,
des sentiments pour s’émouvoir.
Pas une agence de communication ne fait l’impasse. Certains médias vont jusqu’à proposer des méthodes pour “faire jaillir les émotions”. Des méthodes… En sommes-nous coupés à ce point qu’il nous faille des tutos pour sonder nos ressentis, notre âme ?
Si les communicants sont si insistants sur le sujet, ce n’est pas parce qu’ils sont tous disciples d’Aristote. C’est parce qu’il y a une raison tangible qui fait que ça marche.
Laquelle ?
Le secret des émotions
À force de me creuser la tête, j’ai fini par comprendre ce qui se tramait. En « activant » la corde émotionnelle, nous nous adressons à l’humain caché derrière le client. Le pathos du triangle de la rhétorique est puissant parce qu’il crée une passerelle d’humain à humain.
Mais de quels matériaux cette passerelle est-elle composée ?
J’ai identifié quatre ressorts.
1/4 – La reconnaissance des émotions de l’autre
Apparentée à l’estime de soi, la reconnaissance est un besoin fondamental de l’être humain dès la petite enfance. Reconnaître les émotions de l’autre, c’est le reconnaître en tant qu’être humain. Statut autrement plus nourrissant pour l’estime de soi que celui de prospect ou client !
“C’est bien joli ces analyses psychobidules, mais concrètement, pour ma communication corporate, je fais comment ?”
Simplement en considérant que vous ne vendez pas un produit ou un service, mais une solution émotionnelle :
- Que ressent mon prospect avant d’avoir acheté mon produit ? Frustration, agacement, stress, découragement,…
- Que ressent mon client une fois qu’il a acheté mon produit ? Joie, apaisement, soulagement, satisfaction, etc.
2/4 – Parler de ses propres émotions, c’est fédérer par effet miroir
Les émotions du client sont une chose. Les vôtres en sont une autre. Parfois, ce sont les mêmes. Et lorsque vous étalez vos émotions au grand jour, cela fait écho : “Je sais ce que vous ressentez, je suis passé par là”. Cette facette est notamment très utilisée par les coachs de tout poil.
Imaginons :
Vous êtes en surpoids.
Il est possible que vous ressentiez du désespoir, de la honte, de la culpabilité…
Vous tombez sur le site d’une entreprise qui conçoit et commercialise un programme minceur.
Page d’accueil, la photo du dirigeant à la silhouette svelte, un édito court :
“Il y a 5 ans, je pesais 40 kg de plus qu’aujourd’hui. J’ai essayé tous les régimes. Rien n’y faisait.
J’étais désespéré, découragé.
J’ai fini par m’intéresser à la diététique et à la micro-nutrition.
Après plusieurs années d’études, j’ai créé ce programme.
Aujourd’hui, j’ai durablement retrouvé mon poids de forme, ma joie de vivre, et je prends plaisir à m’habiller et à me regarder dans la glace.”
Par effet miroir, ce type de discours suscite une émotion puissante : l’espoir.
La particularité des émotions douloureuses
En osant montrer quelque chose que la pudeur nous invite à cacher, nous nous révélons.
Pourtant, nous rechignons à parler de nos échecs. Parce qu’on n’a surtout pas envie d’être assimilé à un looser. Or, partager des émotions difficiles, c’est faire preuve de courage. Oser la sincérité absolue. La transparence inspire confiance. Et puis des échecs, plus ou moins cuisants, nous en avons tous connu…. Encore une fois, par effet miroir, cela renvoie le client à ses propres émotions.
De fait, contrairement à ce que l’on peut penser, les assumer publiquement provoque le respect, voire l’admiration.
3/4 – Augmenter la valeur perçue
Nous sommes tous d’accord : aujourd’hui, le client n’est plus un “tube à consommer” qui avale sans sourciller le discours prémâché des marketeurs. Dans un climat de défiance de plus en plus fort vis-à-vis des marques, nous avons besoin de sens, d’adhérer à des valeurs. Et nos valeurs suscitent en nous de puissantes émotions.
Les entreprises qui misent sur le volet RSE ou le développement durable l’ont bien compris. Ces arguments sont source de fierté pour les clients, mais également pour les collaborateurs.
Dans un autre registre, Michel et Augustin surfe sur l’humour potache et la légèreté. Sous-entendu, on peut travailler sérieusement sans se prendre au sérieux. Les “trublions du goût” ne vendent pas de produits agroalimentaires. Ils vendent “le rêve de deux copains d’enfance” (nostalgie !)
Ça en fait des émotions… Et du brand value par la même occasion : la dimension émotionnelle exprimée donne plus de valeur à une marque, un produit ou un service.
4/4 – Créer la surprise !
Montrer votre singularité, mettre les pieds dans le plat, prendre le contrepied des codes établis, être là où l’on ne vous attend pas. Bref, surprendre.
Pour illustrer ce ressort, j’ai choisi deux visuels. Ils sont extraits d’une campagne presse et réseaux sociaux que j’ai élaborée avec la complicité de Cominup, agence de communication visuelle. Le client est fabricant de produits d’hygiène pour les pros. Pas très glamour… Dans ce secteur d’activité austère, la culture de la communication n’est pas franchement au top. La plupart des annonceurs créent des campagnes purement informatives (logos) :
Voilà le produit, voici ce qu’il permet. Point.
Résultat : on s’ennuie.
Pour nous démarquer, je conçois une campagne qui détonne : les produits sont des super-héros, copywriting impertinent, ton canaille. Surprise, amusement. Cette campagne a duré plusieurs années. Et les clients en redemandaient !
Du triangle de la rhétorique à vos contenus rédactionnels
Inclure les émotions dans la communication, c’est encore plus vieux qu’Hérode ! Depuis Aristote, nous savons que c’est indispensable pour convaincre.
En s’adressant à l’humain caché derrière le client, la dimension émotionnelle fédère, augmente la valeur perçue de votre offre – votre entreprise, votre marque –. Elle contribue à montrer votre singularité.
Bien entendu, cela ne fonctionne que si les émotions sont authentiques. Sinon ça sent le fake…
Et si c’était de la manipulation ? Oui, d’une certaine façon, si on considère qu’utiliser des techniques pour améliorer sa façon de communiquer est une forme de manipulation. Dès lors, c’est aussi le cas pour la communication non violente (CNV) ou la Process Communication©….
Certains le pensent. Mais de mon point de vue, les émotions dans la communication sont essentielles simplement parce que nous – fournisseurs, prestataires, clients, prospects – sommes des humains, et que nous vendons et achetons à des humains.
Et pour mettre de l’émotion dans votre communication d’entreprise, les contenus rédactionnels sont un puissant levier : le copywriting pour capter l’attention, le storytelling pour embarquer le client dans votre histoire.
À présent je vous laisse, je dois retourner au studio !
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Besoin de parler à l’humain caché derrière votre client ?
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