Aujourd’hui, on ne communique plus, on converse. Une évolution qui a conduit les entreprises à repenser leurs façons de faire. Comment est-ce arrivé ? Pourquoi et comment créer une conversation – et l’entretenir ?
De la communication à la conversation
Avant l’avènement du digital, nous communiquions à sens unique. D’émetteur – l’entreprise, la marque – à récepteur – le client, le prospect. Aujourd’hui, nous sommes passés en mode “émetteur-récepteur à émetteur-récepteur”. Les réseaux sociaux en sont la démonstration la plus éclatante : l’entreprise ou la marque s’exprime sur tel ou tel sujet, son audience réagit, s’exprime à son tour.
Tout ne se fait pas en totalité sur ce nouveau mode, c’est vrai. Le mode “émetteur à récepteur” persiste dans certaines formes de communication : campagnes presse, vente par catalogue, etc. Hé oui, les digital natives, il y a encore des gens qui consultent le catalogue papier de l’Homme Moderne – vous voyez le paradoxe ? – ou de la Redoute.
Le mode “émetteur-récepteur à émetteur récepteur” nous a conduits à passer d’une communication aveugle à une communication “adressée” invitant au dialogue.
Avant on disait : “Tiens, achète et mange, c’est bon”. Maintenant, on raconte, on explique, on éduque. Comment est préparé le produit, où ont poussé les ingrédients, d’où vient la recette, qui l’a préparée et pourquoi. Mais surtout, on cherche à créer une conversation avec notre audience en sollicitant à la fois son adhésion et son avis.
Likes, commentaires, sondages, taux d’engagement, buzz, e-réputation et compagnie.
Pour les entreprises, ce nouveau mode de communication implique une écoute et une présence accrue. On guette les réactions, on traque les avis, on répond illico parce que oui, l’internaute est volatile. Mais ce n’est pas tout et les marketeurs le savent bien : il faut désormais avoir une connaissance chirurgicale de la cible.
Ce nouveau mode de communication est clairement de l’ordre de la conversation, de l’échange. Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Et comment créer la conversation avec son audience ?
Ce qui a changé
Une brève histoire du web
En 1991, le world wide web voit le jour. Une révolution qui rend possible la connexion inter-réseaux. Dans les années qui suivent, l’explosion de la bulle internet ouvre le monde à chacun : il est possible de converser instantanément avec à peu près n’importe qui d’à peu près n’importe où. Des informations de tous types sont disponibles en temps réel.
Entre 1996 et 2000, le nombre de terminaux connectés est multiplié par 1 000 et atteint près de 40 millions.
Mais ce chiffre n’est rien en comparaison de ce qui suit :
- 2014 : il dépasse le milliard.
- 2021 : ce sont 4,6 milliards de machines qui communiquent entre elles par le truchement – notamment – de plus de 2 milliards de sites.
Vertigineux… Nous sommes pris collectivement dans une gigantesque tornade virtuelle qui fait désormais partie intégrante de nos vies.
Années 2000 : la révolution dans la révolution
Au-delà des chiffres, une évolution majeure est à l’origine de cette mutation de notre mode de communication avec nos clients et prospects. Cette (r)évolution, c’est le web 2.0. À tel point que l’expression “2.0” passe dans le langage courant. Une formule magique utilisée à tort et à travers en dehors de la sphère digitale originelle pour évoquer un changement radical, un concept “nouvelle génération”. Ou une simple couche de vernis.
Le web 2.0 permet plus d’interactivité et libère internet de l’ordinateur personnel : la toile envahit les terminaux mobiles – smartphones et tablettes. Avant cela, les techniques marketing sont à sens unique : on balance de la publicité à une “audience captive” – en théorie – et advienne que pourra. Bien sûr, on ne communique pas complètement à l’aveugle : les médias sont ciblés avec soin. Pour autant, l’internaute demeure cantonné à la consommation de contenus.
Avec ce fameux web 2.0, l’internaute devient acteur du web. Il a désormais la possibilité de produire ses propres contenus sur des plateformes, des réseaux sociaux : Youtube, Facebook et consorts allaient bouleverser les choses.
C’est ici que commence la conversation.
Et pour les entreprises ?
Nous passons donc du mode “émetteur à récepteur” au mode “émetteur-récepteur à émetteur-récepteur”. Et bien entendu, cela a des répercussions sur la vie et l’organisation des entreprises et du monde du travail. On voit notamment émerger de nouveaux métiers. Celui de community manager par exemple, qui orchestre, anime et entretient la conversation. Un peu comme un G.O virtuel.
Par ailleurs, plus d’attention est portée à la satisfaction client. Grâce aux systèmes de notation (Trusted Shops, Avis Vérifiés,…) entre autres. Plus moyen de tricher : fini les témoignages bidon … Les bonnes notes assorties de commentaires élogieux renforcent la crédibilité. Quant aux mauvaises notes et commentaires exprimant le mécontentement, elles peuvent avoir des conséquences fâcheuses et obligent à tout faire pour renverser la vapeur.
Et puis il y a le revers de la médaille. L’obsolescence des contenus n’a jamais été aussi rapide… Ils peuvent tomber en désuétude en quelques jours seulement. Voire en quelques minutes. Sur LinkedIn, un post qui n’obtient pas suffisamment de réactions dans les minutes qui suivent sa parution est mis au placard sans sommation par l’algorithme. Pour les entreprises, cela requiert une attention et une pression quasi-permanentes.
Pourquoi et comment créer une conversation ?
Converser avec son audience fait l’objet d’une véritable stratégie. Objectif : attirer, convertir et fidéliser en créant de l’attachement. Mais pas seulement. La conversation est un excellent moyen de monitorer son audience, de mieux comprendre ses attentes et ses besoins. Bref, de mieux la connaître.
À qui est-ce que je m’adresse ?
Pour créer une conversation, il faut parler la bonne langue aux bonnes personnes. Quitte à apprendre une nouvelle langue pour se mettre sur le même canal par le biais de l’identité rédactionnelle – ton, registre, éléments de langage. Et ceci exige une parfaite connaissance de son persona.
À ce propos, voici un magnifique exemple de campagne ratée de la marque de bière allemande Bergedorfer Bier. Une très belle campagne pourtant d’un point de vue de l’esthétique.
La marque mise sur l’humour et prend le contrepied des codes établis. Deux leviers relativement classiques… à manier avec précaution. La campagne met en scène, au sein de prises de vue de grande qualité artistique, des hommes caressant tendrement leur “ventre à bière”. Et un slogan : “Brewed with love” (brassé avec amour). Trop mignon. Euh… Non : les hommes – la cible – n’ont pas du tout apprécié que l’on se moque gentiment de leur embonpoint houblonné.
Qu’est-ce qui s’est passé ? À n’en pas douter, la marque – et l’agence de communication auteure de cette campagne – s’est fait plaisir. Mais elle n’a pas porté suffisamment d’attention à la cible et ne la connaissait pas assez bien.
Pour la petite histoire, cette campagne a tout de même rattrapé le coup avec une récompense au festival International de la Créativité Lions Cannes en 2016.
Des contenus de qualité
Créer une conversation nécessite la production de contenus – rédactionnels, visuels, audiovisuels – qui intéressent votre audience. Des contenus engageants et fédérateurs.
Idéalement, vous aurez au préalable défini votre identité rédactionnelle et votre ligne éditoriale : comment parler (la forme) et de quoi (le fond).
À ce propos, produire des contenus adressés implique-t-il qu’il faille jouer un rôle ?
Pas de mon point de vue. Parce qu’une très grande majorité de dirigeants d’entreprises sont résolument passionnés par leur activité. Rares sont ceux qui ont fondé et racheté une boîte au hasard, ou dans le seul but de gagner de l’argent. Et ils ont à cœur de faire prospérer leur entreprise. Moi la première. Dès lors, il est tout à fait naturel qu’ils cherchent à susciter l’intérêt de leur cible.
Créer la conversation… et l’entretenir
Nous sommes en permanence bombardés d’informations de toutes provenances. Et dans cette jungle informationnelle, pour avoir un tant soit peu de visibilité, il faut se démarquer. Capter l’attention par un copywriting soigné y contribue. Mais créer une conversation ne se limite pas à se rendre visible…
Le Robert définit le mot conversation comme “échange spontané de propos”. En l’occurrence, l’internaute est invité à exprimer un point de vue, abonder – voire contredire –, argumenter. Avis, sondages, webinaires, jeux concours, call to action… Pour créer de l’engagement (le fameux), de l’interaction, bref : un dialogue.
Sinon ? On retombe en mode “émetteur à récepteur”.
Créer et animer la conversation demande une attention soutenue. Le Community Manager est un veilleur. Il vit au rythme des notifications et anime la discussion à coups de likes et de réponse aux commentaires, posant des questions qui, elles-mêmes, vont générer de nouveaux commentaires…
Ces marques qui créent la conversation
Pour illustrer mes propos, j’ai choisi de vous présenter 2 comptes Instagram qui jouent à fond – et intelligemment – la carte de la conversation avec leur communauté. Chacune à sa façon, KoRo et Aroma-Zone récoltent des centaines, des milliers de Likes, de vues. Et chaque post fait l’objet de nombreux commentaires. Bref, l’engagement des abonnés est là.
KoRo : les abonnés font le feed et dopent les ventes
Spécialiste de la distribution d’aliments de longue conservation (fruits secs, superaliments, oléagineux,…), la marque dédie environ la moitié de son feed Instagram à des visuels accompagnés d’une recette de cuisine. Recette incluant un ou des produits issus de leurs gammes. Et à un sacré rythme ! Une à deux fois par semaine minimum. Et chaque post génère des centaines de mentions “J’aime”.
C’est tout bénef pour la marque :
- Les abonnés fournissent du contenu ;
- Les posts sont autant d’invitations envoyées aux membres de la communauté (plus de 80 000 abonnés) à passer à l’acte d’achat.
Aroma-Zone : des interactions variées
La marque est spécialisée dans la commercialisation d’ingrédients naturels, pour la réalisation de cosmétiques et produits d’hygiène à faire soi-même. Très différent de celui de Koro, le mode de conversation d’Aroma-zone sur Instagram avec ses quelque 330 000 abonnés utilise des leviers variés :
- Jeux concours,
- Interviews de producteurs – lavande, huile de CBD…,
- Repartage de posts d’influenceurs tel que Romain Berg (plus de 9 000 mentions « j’aime » et 200 commentaires…),
- Et surtout, des lives : un cours de Pilates (+ 15 000 vues), une session questions-réponses avec une spécialiste du protocole facialiste (+ 13 000 vues), une méditation guidée (+ 17 000 vues).
De la communication à la conversation : une bonne chose pour les entreprises ?
Nous sommes passés de la communication à la conversation. Cette mutation a vu le jour dans les années 2000 avec le web 2.0. Cela implique que nous devons désormais connaître notre “cible” sur le bout des doigts et porter plus d’attention à la satisfaction client.
Une telle évolution a conduit les entreprises à revoir leurs habitudes en matière de communication et à acquérir de nouvelles compétences. En interne ou par le biais de prestataires.
Alors, au final, être passé du mode “émetteur à récepteur” au mode “émetteur-récepteur à émetteur-récepteur”, est-ce une bonne chose ? Ni bonne, ni mauvaise. Tout évolue, seule l’impermanence est permanente. Mais depuis quelques années, force est de constater que tout va beaucoup plus vite dans la sphère digitale, obligeant les entreprises à plus d’agilité. J’en veux pour preuve l’annonce faite fin juillet par Marc Zuckerberg : pour contrer TikTok et sa fulgurante ascension, Facebook a muté vers un modèle algorithmique plus addictif, calqué sur celui de son concurrent chinois. Et il va bien falloir s’adapter.
À quand la prochaine (r)évolution ?
À présent, je vous laisse, je dois retourner au studio.
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On en discute ?
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Crédits photo : pexels-andrea-piacquadio, pexels-seven, pexels-anna-shvets, KoRo, Aroma-Zone